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L’industrie freine l’indice de réparabilité belge

15 mars 2023

Nous connaissons tous l'étiquette énergétique. Elle nous évite d'acheter des appareils énergivores. Mais que savons-nous de la réparabilité des nouveaux appareils? En Belgique, c'est encore un grand point d'interrogation. Et pourtant, la France s'est déjà attaquée à ce problème avec succès.

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Si vous souhaitez acheter un nouveau smartphone, une machine à laver, une tondeuse à gazon, un ordinateur portable, un aspirateur ou une télévision en France, vous pouvez, depuis 2021, voir en un coup d’œil lequel de ces produits est le plus facile à réparer. En effet, ces produits se voient attribuer un indice de réparabilité. Ce score est basé, entre autres, sur la possibilité de démonter l’appareil, sur la disponibilité et le prix des pièces détachées ainsi que des informations sur les réparations.

 

Pour l’instant, la Belgique n’a pas de score de réparabilité. La Ministre fédérale Zakia Khattabi a pour ambition de changer cela. L’année dernière, elle a élaboré une proposition visant à introduire un score belge de réparabilité, qui sera ensuite étendu à un indice de durabilité. Ce faisant, elle s’inspire largement du système français. Cette proposition sera bientôt soumise au vote du gouvernement et du parlement. Toutefois, la ministre doit faire face à une résistance de la part des sociétés actives dans la technologie, des entreprises et des commerces belges. Alors que celles-ci se présentent volontiers comme les pionnières de l’économie circulaire, elles tentent aujourd’hui de retarder, d’affaiblir, voire de rejeter complètement le score de réparabilité. Dans les conseils consultatifs fédéraux et les consultations des parties prenantes initiées par le cabinet de la Ministre Khattabi, nous les entendons soutenir qu’un tel score belge de réparabilité est une mauvaise idée. Il y a quelques mois, la fédération des entreprises technologiques Agoria et la fédération du commerce et des services Comeos ont également soumis des avis négatifs à la Commission européenne, qui vérifie si le projet de loi Khattabi est compatible avec les règles européennes. Leur principal argument: un score de réparabilité européen est en route, il vaut mieux l’attendre. Ce faisant, ils omettent de mentionner qu’en Europe, pour l’instant, il n’existe que des projets concrets de score de réparabilité pour les smartphones et les tablettes. Il n’y a pas de projets concrets pour d’autres produits. Et ils passent surtout sous silence le fait que la proposition de score européen de réparabilité est moins efficace pour l’instant, car elle n’inclut pas le prix des pièces détachées comme critère.

La résistance active de l’industrie est inquiétante car le score de réparabilité n’est même pas une mesure innovante ou ambitieuse. Aucune norme minimale n’est imposée aux fabricants, par exemple. Il leur est simplement demandé de fournir des informations transparentes et honnêtes sur la réparabilité de leurs produits.

En outre, la mesure s’inscrit également dans le cadre de deux principes habituellement défendus par le secteur : d’une part, la responsabilité incombe en premier lieu au consommateur ; d’autre part, elle donne aux fabricants de produits durables la possibilité de se différencier positivement. Le fait que le système existe déjà en France est aussi un grand avantage. La plupart des fabricants et des commerçants qui vendent en Belgique doivent déjà calculer et communiquer les scores pour le marché français. Il n’y aura donc pas beaucoup de travail supplémentaire pour la plupart d’entre eux.

 

Alors pourquoi cette résistance farouche de la part de certains producteurs et commerçants? Est-ce parce que les enquêtes menées en France auprès des consommateurs montrent que ces derniers tiennent effectivement compte de la note dans leurs choix d’achat? Het Grote Repareeronderzoek (par De Transformisten) et les plus de 8 000 signatures sur le manifeste du droit à la réparation de Repair&Share nous apprennent que les consommateurs belges demandent également des produits durables et réparables.  Des informations fiables sur la durée de vie et la réparabilité des produits constitueraient un premier pas dans cette direction. Les gens veulent plus que du greenwashing et de la publicité. Avec sa position, l’industrie ignore ce signal clair des consommateurs. Nous demandons au gouvernement fédéral et à la Chambre de ne pas céder et de faire preuve d’ambition, à l’instar de la France.

 

Le score de réparabilité est une mesure relativement simple. Si nous voulons exercer la transition vers une économie circulaire, de nombreuses autres mesures seront nécessaires. Le mouvement du droit à la réparation, en plein essor, dispose déjà d’un ensemble de propositions solides !

 

Rosalie Heens / Repair&Share en collaboration avec Repair Together

https://repairshare.be/

https://repairtogether.be/

https://repair.eu/