L’indice de réparabilité arrive enfin en Belgique, que faut-il en retenir ?
08 mai 2025
La Belgique est le deuxième pays européen à introduire un indice de réparabilité, après son voisin français. Cette mesure du plan d’action fédéral pour l’économie circulaire est, selon Repair Together, une bonne avancée, mais manque encore d’ambition !

En projet depuis 2022, l’indice de réparabilité est entré en vigueur en Belgique ce 02 mai 2025.
Lors du mandat de l’ancienne ministre de l’Environnement, Zakhia Khattabi, notre ASBL, parmi d’autres parties prenantes, a été invitée à participer à l’élaboration du projet de loi concernant l’implémentation d’un indice de réparabilité sur certains appareils électriques et électroniques en Belgique. Associations de défense des consommateurs, organismes en lien avec la réparation, fabricants et industries ont été présents pour donner leur opinion sur ce projet. Nous avions d’ailleurs déjà traduit un article de Right To Repair Europe à ce sujet en 2024.
Ce score existe depuis 2021 en France, et dans un premier temps, l’ambition de la Belgique était de produire un indice nouveau, plus fort et plus ambitieux. Malheureusement, malgré ces ambitions initiales plus fortes, la décision a été prise in fine de simplement adopter l’indice français tel quel, à l’issue d’un processus de concertation dans lequel les positions industrielles ont visiblement pesé. Pourtant, l’association française HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) publiait, un an après son entrée en France, un rapport d’enquête formulant une quarantaine de recommandations pour l’améliorer ! C’est dire qu’il est loin d’être à la hauteur des espérances, et que l’on aurait pu en tirer des conclusions avant de mettre sur pied un homologue belge.
Nous saluons tout de même l’initiative, bien qu’encore imparfaite, car c’est là un message clair pour le consommateur: il est grand temps de penser à la réparation de nos objets !
Concrètement, vous pourrez désormais, en magasin, voir affichée une note sur 10, avec les détails spécifiques à chaque critère accessibles via un QR code.
En parlant d’objets… quels objets auront droit à ce score ?
Notre indice belge vise également les mêmes objets que ceux du premier indice français :
- Les nettoyeurs haute-pression
- Les aspirateurs
- Les tondeuses à gazon
- Les lave-vaisselle
- Les ordinateurs portables (sans écran tactile)
On peut regretter l’absence des smartphones, qui étaient pourtant inclus dans l’indice de réparabilité en France, mais cela s’explique par le fait que les exigences en matière d’écodesign devraient arriver à l’échelle européenne au mois de juin 2025.
Quels critères sont utilisés pour calculer l’indice de réparabilité ?
Pour chaque produit, le score obtenu représente une moyenne qui repose sur cinq critères :
- La disponibilité des documents techniques et des manuels d’entretien ;
- La facilité de démontage d’un produit et les outils nécessaires ;
- La disponibilité des pièces de rechange et les délais de livraison ;
- Le rapport entre le prix de la réparation et celui du produit neuf ;
- Ainsi que d’autres critères spécifiques liés au produit.
Cet indice est donc un message vers les fabricants, car pour pouvoir y prétendre, il faut qu’ils puissent fournir certaines de ces informations afin d’obtenir un bon score. Car oui, c’est bien au fabricant de calculer son propre indice de réparabilité. Un prestataire externe objectif aurait à priori plus de sens pour rendre cet indice plus fiable.
Autre faiblesse que nous soulignons: la pondération. Celle-ci est la même pour tous les critères, alors que la facilité de démontage, le prix des pièces détachées ou celui de la réparation devraient peser plus par rapport au reste, pour que l’objet soit effectivement réparé.
La preuve en est : un smartphone de marque bien connue obtient la note de 8,2/10 pour son indice de réparabilité (en France) alors qu’il est noté 4/10 chez IFixit. Une telle différence n’est possible qu’en gagnant des points sur des critères “faciles” à obtenir, comme de la documentation ou les critères spécifiques, alors que la réparabilité “pure” de l’objet n’est pas atteinte.
Quels impacts sur la réparation citoyenne ?
Pour les Repair Cafés, l’introduction de cet indice de réparabilité n’aura pas un impact majeur immédiat.
- Seuls les appareils neufs sont concernés, il faudra donc attendre plus de 2 ans avant d’en voir aux Repair Cafés, la garantie légale jouant encore.
- Les catégories visées sont encore très restreintes : bien que cela pourra simplifier la vie des réparateurs et réparatrices concernant les laptops et aspirateurs, ces derniers étant un véritable casse-tête à ouvrir, nous croisons moins souvent de nettoyeurs haute-pression ou de tondeuses à gazon.
- Mais surtout, il faudra que le score de l’appareil soit à la hauteur pour espérer avoir accès aux informations de réparation ou pour compter sur un démontage plus facile d’un appareil.
En conclusion, pour notre association, cet indice est un pas vers une responsabilisation des fabricants et des consommateurs, mais pas encore assez ambitieux pour un vrai droit à la réparation!
L’indice belge a été copié de la France mais sans en tirer les leçons.
Sans d’autres mesures fortes, cet indice risque de n’être que de la poudre aux yeux. Nous souhaiterions d’autres mesures complémentaires, comme l’introduction d’incitants financiers, qui ont déjà montré leurs preuves en Autriche et en France. Ces « repair vouchers » qui permettent, par exemple, de recevoir un pourcentage ou une somme fixe pour la réparation de son appareil. La Belgique n’en a apparemment pas encore l’ambition. Cela faisait partie de nos recommandations au gouvernement fédéral lors des dernières élections, au même titre que l’introduction de normes imposant l’éco-conception de produits. Des lois d’interdiction de pratiques anti-réparation et d’obsolescence programmée seraient également très impactantes pour mener à bien notre lutte !
L’objectif final idéal serait que les fabricants conçoivent de plus en plus de produits durables, et pas seulement réparables, afin d’éviter les impacts négatifs massifs de la production de biens dans le monde. Il est donc impératif que les mentalités changent, non seulement chez les consommateurs, mais également au début de la chaîne de production. Le temps du « tout-jeter » doit être révolu !