Journée internationale des volontaires – merci à tous !
05 décembre 2022
Ce lundi 05 décembre, c'est la journée internationale des volontaires !
À tous les bénévoles des Repair Cafés, merci ! Il est compliqué de trouver les mots pour remercier toutes ces personnes qui donnent autant de leur temps et de leur cœur pour rendre notre monde meilleur. Aujourd’hui, nous aimerions vous partager un beau témoignage d’une personne qui a eu le plaisir de visiter un Repair Café et de rencontrer ces personnes qui, main dans la main, permettent à ces lieux d’exister.
Catherine Blanjean – 20 novembre 2022
Hier j’ai testé pour vous : le Repair café de Namur Confluence.
Décidément, c’est souvent la fibre maternelle qui me pousse à oser de nouvelles expériences. C’est donc armée de l’imprimante en panne de ma fille que je franchis pour la première fois la porte du Repair café de Namur. Il se tient dans les locaux de la ressourcerie, un lieu par lequel transitent des milliers d’objets et meubles en tous genres, en attente d’être adoptés par de nouveaux usagers. Usagés cherchent usagers. Du monde où l’on jette au monde où l’on récupère. Parfois, souvent à en regarder le design des objets exposés, c’est la mort ou la fin de vie de leurs précédents propriétaires qui a laissé ces objets sans famille et les a amenés ici. Il y a un parfum de chez grand-maman dans les rayons. Arrière-grand-maman plutôt.
On fait file devant la table d’accueil, même si on a pris rendez-vous. C’est qu’il faut que l’on nous dispatche aux différentes tables de réparation. Une armée de bénévoles, des hommes pour la plupart, mais pas que, assez visiblement pensionnés pour la plupart, mais pas que, circulent d’un espace à l’autre, dans une ambiance de fourmilière conviviale. En face de la table d’accueil, un comptoir où il me semble que l’on peut acheter de quoi boire ou grignoter en attendant que la réparation soit faite. C’est sympa. Dans la file, on se parle. On explique ce qu’on tient dans les mains ou dans les bras. On raconte l’histoire de… C’est bruyant, ça résonne. D’autant que parfois, il faut utiliser une foreuse, une scie, un séchoir, ou tester une réparation sur une foreuse, une scie, un séchoir… Quand c’est mon tour d’aller m’installer à l’une des tables, je confie le problème à un « spécialiste », immédiatement rejoint par son voisin, puis débauché par le « spécialiste » de la table d’à côté sur un autre problème, puis qui revient à l’imprimante de ma fille… Le travail est joyeusement collaboratif !
Debout face à la table, j’essaie de m’empêcher d’intervenir. J’ai trop le souvenir de ma mère mettant son nez dans tous les bricolages de mon père alors qu’elle n’y connaissait rien (comme nous le faisait sentir mon père alors que, pourtant, elle trouvait parfois la panne ou le bon truc, elle aussi) et donc je regarde aux alentours. Je m’imprègne de l’ambiance. Je m’en nourris. Fille d’ingénieur, j’ai toujours vu mon père démonter, comprendre, réparer les systèmes. Je l’ai vu pester sur la matière, les mauvaises fabrications, les conceptions ineptes. Je l’ai entendu jurer tout son saoul sur des écrous grippés, des pièces en plastique plutôt qu’en métal, des articulations soudées. Je l’ai senti jouir d’une réparation réussie, d’un objet sauvé du retour au chaos, d’un gaspillage évité, de la « remise en vie » d’un objet. Et moi aussi j’aime ça, même si je n’ai pas pris le temps de développer des compétences dans ce domaine. J’aime démonter et comprendre, je ne sais pas réparer, jamais le bon outil, la bonne pièce…
Et donc je suis là au milieu d’un collectif d’intelligences pratiques qui s’activent autour des problèmes d’autrui, pour le plaisir. Pour la beauté des gestes. Pour la joie des sourires aussi, sûrement. Pour les brèves rencontres. Peut-être pour cette impression qu’en s’unissant dans de petites actions concrètes, on pourrait éviter au monde d’aller à sa perte. Ils sont beaux, tous ces gens concentrés sur des problèmes techniques, matériels, mais qui n’en ont pas moins de vrais échos dans nos vies quotidiennes. Ils sont beaux, tous ces bénévoles qui se rassemblent autour d’un projet qui a du sens, qui fait du lien. Ils sont beaux, ces hommes et ces femmes qui aiment avec leurs mains.
Cela me donne envie de participer moi aussi, à quelque chose de simple comme ça : donner du temps, du savoir-faire, sans cette injonction à « gagner sa vie » ou à sauver la planète en un seul coup. Je serais sans doute bien incapable de réparer un moulinex, quel qu’il soit (quoique…), ni de recoudre une veste. Je pourrais réparer des lettres mal écrites ? Des déclarations d’amour tombées en lambeaux ? Dégripper des procédures administratives ? Un bureau d’écrivain public entre le comptoir boissons et la table de couture ? Une table spéciale pour homme/femme brisé∙e∙s ? J’y penserai.
L’imprimante de ma fille n’a pas pu être réparée. L’obsolescence programmée est parfois plus forte que l’intelligence collective (c’est-à-dire qu’elle procède d’une autre intelligence collective mise au service du profit individuel…). Je raconterai plus tard peut-être ma visite au magasin OXFAM pour acheter une imprimante d’occasion. Autre ambiance, moins de monde à cette heure, mais même énergie vivante et très bel accueil.