COMMUNIQUÉ DE PRESSE : Le nouveau Commissaire à l’économie circulaire doit donner la priorité à la prévention des déchets plutôt qu’au traitement

08 novembre 2024

Malgré des efforts pour encourager la réparation et la réutilisation, les mesures actuelles ne suffisent pas. Le nouveau Commissaire à l'économie circulaire doit placer la prévention des déchets au cœur de ses priorités pour bâtir un véritable avenir durable.

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Photo: Right to Repair  design

6 novembre 2024

Auteur : Cristina Ganapini

Traduction francophone par Repair Together, retrouvez l’article original sur REPAIR.EU

 

Hier soir, Jessika Roswall a répondu aux questions du Parlement européen concernant sa candidature au poste de commissaire à l’économie circulaire. Au cours des cinq dernières années, l’UE a pris des mesures prometteuses, mais clairement insuffisantes, pour promouvoir une économie plus circulaire. En fait, le taux d’utilisation de matériaux circulaires de l’UE a essentiellement stagné, n’augmentant que marginalement de 10,7 % en 2010 à 11,5 % en 2022, ce qui souligne la nécessité de combler les lacunes et d’aligner les stratégies sur la hiérarchie des déchets. (1)

Cristina Ganapini, coordinatrice de la coalition Right to Repair Europe, a déclaré : « Le nouveau mandat doit aller au-delà de l’actuelle vision étroite du recyclage pour s ‘attaquer réellement à la prévention des déchets via l’allongement de la durée de vie des produits, concrètement en promouvant la réutilisation et la réparation ».

D’un point de vue environnemental, les activités de réutilisation et de réparation conservent directement la valeur des produits et de leurs matériaux à leur niveau le plus élevé le plus longtemps possible, en minimisant à la fois la production de déchets et la consommation de ressources et d’énergie. Le recyclage n’est nécessaire qu’en fin de vie, mais il est contre-productif s’il intervient trop tôt, car il consomme beaucoup d’énergie et ne permet souvent d’extraire qu’un petit nombre de minéraux. La réutilisation et la réparation entraînent également une plus grande création d’emplois et des besoins d’investissement moindres. Mettre l’accent sur la réutilisation et la réparation constituerait donc une stratégie de politique publique plus rentable. (2)

Enfin, les secteurs de la réutilisation et de la réparation remplacent les activités économiques étrangères de l’économie linéaire par des activités locales de réutilisation et de réparation. L’économie européenne devient ainsi plus résistante et moins dépendante des chaînes d’approvisionnement internationales. (3)

 

Voici pourquoi les mesures actuelles de réparation et de réutilisation sont insuffisantes

 

Au cours du dernier mandat, la coalition Right to Repair Europe s’est battue avec acharnement et a obtenu une directive européenne sur le droit à la réparation ainsi que des avancées sur la législation relative à l’écoconception. Cela signifie-t-il que les citoyens de l’UE ont désormais le droit de réparer leurs produits ? Pas tout à fait.

L’approche suivie jusqu’à présent, qui consiste à adopter des réglementations sur l’écoconception séparément pour chaque catégorie de produits, se traduit par le fait que seules quelques catégories de produits sont couvertes par des exigences en matière de réparabilité. En 2024, il ne s’agira que d’une douzaine de types de produits. Pour tous les autres produits, il n’y a pas d’exigences en matière de conception ou de réparation. Le même champ d’application limité et la même lenteur s’appliquent à la directive sur le droit à la réparation. (4)

Le champ d’application est limité, mais l ‘ambition fait aussi souvent défaut. Si l’on considère la directive sur le droit à la réparation, la pression exercée sur les fabricants et les détaillants pour qu’ils réparent réellement les produits reste limitée. Dans le cadre de la garantie, les détaillants sont libres de remplacer les produits au lieu de les réparer. Au-delà de la garantie, les fabricants ne sont tenus de réparer que quelques pièces sur les quelques produits couverts par les exigences de réparabilité – là encore, une douzaine à l’heure actuelle.

Les mesures visant à uniformiser les règles du jeu sur le marché de l’allongement de la durée de vie des produits restent également très insuffisantes. Les réparateurs et les reconditionneurs indépendants, qui constituent la majorité du marché de la réparation et de la réutilisation, continueront d’être confrontés à des pratiques anti-réparation encore autorisées par la loi grâce à diverses exceptions. Enfin, et c’est tout aussi crucial, les dispositions visant à garantir que la réparation est abordable sont vagues et donc juridiquement faibles. Les États membres ne sont pas tenus d’adopter une mesure financière pour encourager la réparation, mais peuvent opter pour une mesure non financière. L’interdiction de la destruction des produits électroniques invendus ne figure pas non plus dans le cadre actuel de l’ESPR.

Le droit à l’autoréparation est encore plus limité. (5) Enfin, les scores de réparation de l’UE ne tiennent pas compte du prix des pièces détachées, un critère essentiel pour permettre aux consommateurs de choisir des produits réellement réparables.

Les produits que les consommateurs possèdent et qu’ils souhaitent réparer sont couverts par différents textes législatifs de l’UE. Cela signifie que le droit européen à la réparation diffère d’une catégorie de produits à l’autre, ce qui rend souvent difficile pour les consommateurs de comprendre réellement dans quelle mesure leurs articles sont réparables. Nous venons de lancer une page web et un tableau récapitulatif des produits afin de préciser quels sont les produits couverts (et ceux qui ne le sont pas) par telle ou telle réglementation, et ce qui est en cours d’élaboration au niveau de l’UE. Nous souhaitons voir cette liste s’allonger et passer du rouge au vert :

Accéder à la page web et au tableau de présentation des produits ici

 

Le nouveau commissaire chargé de l’économie circulaire doit donner la priorité à la prévention (des déchets) plutôt qu’au traitement.

 

  • La nouvelle loi sur l’économie circulaire doit définir une vision cohérente avec la hiérarchie des déchets. Les systèmes deresponsabilité élargie des producteurs doivent être réformés, en déplaçant leur objectif de la simple gestion des déchets vers la prévention des déchets. L’éco-modulation doit être suffisamment élevée pour inciter à modifier la conception des produits, et les recettes de la REP doivent être affectées au soutien de l’accessibilité et de l’abordabilité de la réparation et de la réutilisation.
  • La révision de la directive DEEE doit fixer des objectifs quantitatifs pour la réutilisation, fournir la base de redevances de REP substantielles et éco-modulées et éviter les conflits d’intérêts dans la gouvernance des systèmes de REP.
  • Des exigences horizontales en matière d’écoconception s’appliquant directement à un large éventail de produits sont nécessaires pour concrétiser les objectifs fixés par l’ESPR. Le niveau d’ambition doit être élevé – fournir un accès large et abordable aux pièces détachées et aux informations sur les réparations, combler les lacunes existantes en matière de pratiques anti-réparation telles que l’assemblage de pièces détachées. Le nouveau commissaire doit augmenter les ressources humaines et financières consacrées au développement et à la mise en œuvre de l’ESPR .
  • Le champ d’application de la directive sur le droit à la réparation doit être élargi et un « prix raisonnable » pour les pièces détachées doit être défini avec des seuils clairs. (6)
  • L’UE doit introduire un système de notation de la réparabilité pour tous les produits liés à l’énergie, en tenant compte du caractère abordable de la réparation ainsi que de sa disponibilité.
  • L’UE doit promouvoir les secteurs de la réparation et de la remise à neuf en tant qu’industries européennes clés, par le biais d’un soutien politique, économique et d’une concurrence loyale.

 

Lire notre document d’orientation « État actuel du droit à la réparation dans l’UE » (en anglais)

 

Notes à l’attention des rédacteurs:

(1) Selon la hiérarchie des déchets de l’UE, conformément à la directive-cadre sur les déchets: la prévention des déchets est l’option privilégiée, et le recyclage et la mise en décharge des déchets doivent être le dernier recours.

(2) LLorente et Vence, 2020 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921344920303505?fr=RR-2&ref=pdf_download&rr=8d05fc7ad986b708

(3) von Kolpinski et Kratzer, 2024

https://circulareconomyjournal.org/articles/zooming-out-circular-economy-development-in-the-european-union-and-its-implications-on-the-economy-and-society/

(4) La directive sur le droit à la réparation ne s’applique que dans la mesure où les produits sont couverts par des exigences de réparabilité en vertu de la législation de l’UE ; la lenteur du processus de définition de ces exigences dans le cadre de l’écoconception limite le champ d’application et retarde l’application des règles de réparation à un plus grand nombre de produits.

(5) Les règlements en matière d’écoconception établissent une distinction entre le droit des consommateurs et celui des réparateurs professionnels d’accéder aux pièces détachées et aux informations. Un consommateur n’a pas le droit d’obtenir une pièce interne essentielle d’un produit. Les réparateurs indépendants peuvent souvent obtenir des pièces détachées et des informations, mais les acteurs cruciaux tels que les reconditionneurs ne sont pas considérés comme un groupe ayant ce droit d’accès.

(6) Deloitte a cité 30 % pour les consommateurs français et 30 à 40 % pour les consommateurs suédois (présentation de l’atelier d’experts vers une réparation accrue des EEE ménagers (Bruxelles, 2017), p. 48-49). Il s’agit peut-être d’une estimation élevée : selon Sahra Svensson-Hoglund ea, Barriers, enablers and market governance : A review of the policy landscape for repair of consumer electronics in the EU and the U.S. (2021), « généralement, la volonté de payer pour la réparation de petits appareils électroniques a été estimée à 20 % du coût de remplacement » (p. 6, citant McCollough (2007)). Voir également l’étude comportementale de la Commission européenne sur l’engagement des consommateurs dans l’économie circulaire (octobre 2018).

Article détaillé (en anglais) présentant des preuves des prix prohibitifs des pièces détachées : https://repair.eu/news/the-price-is-not-right/